jeudi

C'est une histoire simple, c'est mon histoire.

Les articles qui suivent racontent une histoire.

Une histoire vraie. Quelques mois de ma vie. Une histoire qui pourrait porter un titre comme celui que je suggère ici : t là ? on tchate ?

J'ai voulu l'écrire pour vous la faire partager, pour vous faire réagir. Cette histoire m'a "construit. Elle s'est passée essentiellement entre octobre 2004 et janvier ou février 2005, avec quelques développements ultérieurs.

Merci de vos commentaires, n'hésitez pas à en laisser au fil des "articles", des chapitres.


Ca a vraiment commençé comme ça...

Mon téléphone vibre. Un sms :

torai au - pu me dire si tu mtrouvai moche et con

Wao !! Carrément !?

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Ca a vraiment commençé comme ça :

Je trainais un peu sur le net, à la recherche de je ne sais quoi. D'une parcelle de mon adolescence.

De forums de discussions en tchats plus ou moins satisfaisants, je tombe un jour sur lui. Pour une fois, j'annonce vraiment la couleur, je dis qui je suis, mon âge, mes envies, mes rêves.

Il ne me rejette pas, il est intrigué. On tchate des heures et on finit par décider de se rencontrer "en vrai". J'ai peur comme quand j'avais 15 ans. Il en a 4 de plus seulement mais une vie tellement différente de celle que j'ai vécu...

Vient le jour dit. On s'est donné rendez-vous au Panthéon. Je suis en avance. Quand il arrive, je sais que c'est lui, à je ne sais quel signe... Il me reconnait aussi. On est aussi intimidés l'un que l'autre.

Un peu plus tard, devant un café.

Il me raconte sa vie d'étudiant, comment il est arrivé là, dans cette école, à Paris. Il n'est ici que depuis trois semaines. Il me raconte sa mère, sa petite soeur, son père, ses galères pour trouver une chambre... des choses insignifiantes, des choses importantes...

Je me sens tellement nul devant lui, il m'impressionne. Je ne sais pas trop quoi lui dire, je ne sais pas comment me positionner. Je me doute bien qu'il ne me voit pas comme je me vois moi. D'entrée il me dit que la différence d'âge ne lui pose aucun problème. Il est curieux.

Curieux de comprendre comment je peux me retrouver en face d'un garçon comme lui, moi qui devrait quand même savoir où je vais...

Et moi je me noie dans ses yeux bleus comme le ciel un matin d'été, sa pupille étonnamment dilattée, son regard droit et franc.

Quand nous nous quittons une heure après, je ne sais pas trop comment lui dire au revoir, on se quitte un peu vite. Et 10 minutes après je reçois ce premier sms...

Et mon coeur s'est emballé.

Après notre rendez-vous, je passe dans une boutique du côté de Saint Germain des Prés pour me racheter des Converse. En sortant, mon portable émet un petit "bip". Zut, j'ai loupé un appel...

En fait, c'est un sms

torais au - pu me dire si tu mtrouvai moche et con

Quand je lis ça, mon coeur s'emballe... Que se passe-t-il ? Que veut-il me dire en m'écrivant ça ?

Je lui réponds aussitôt :

oh ke oui tu me plais. je me suis noyé dans le bleu de tes yeux...

Pendant quelques jours, ensuite...

Les jours qui suivirent, nous échangeames des mails, et surtout, puisque je lui avais parlé d'un livre que je fais lire à tout le monde et qu'il n'avait pas encore lu, je lui fis envoyer par la Fnac un exemplaire.

Oscar et la Dame Rose

L'histoire déchirante des derniers jours d'un enfant dans un service de cancérologie, accompagné par une "dame rose" qui l'aide à partir serein.

Il a reçu son livre.

Le lendemain de la commande sur Internet, Arno reçoit son livre. (bravo la Fnac !!)

Le soir, je reçois un mail qui me fait énormément plaisir. Je suis sur un nuage. Arno m'écrit :

ca a été une dure journée de labeur ojourdui moi ki voulai tecrire je suis desole tu peut pas savoir la tete ke jai tiré ce matin en ouvran ma boite o lettre enfin si tu doi imaginer cest celle ke tu oré voulu je pense on ma jamais fait un coup comme ca
merci merci
mille foi merci
jai eu le sourire scotché tte la journée je riai tt de joie tt seul ds le metro
autan te dire ke ca denotait lol
jai attaké ma lecture ossi sec ca a lair bien enfin dumoin je rentre bien dedans
a mon avis demain je pourrai te dire ce ke jen ai pensé je suis dsl je nai pa plus de temp pour tecrire mais vraiment merci
ca me fais enormemen plaisir je naurai jamai imaginer ca vraimen ete une suprise
merci merci
et encor merci
tes genial

mercredi

Cher Dieu

En parodiant le style du livre, je réponds à Arno (Pour ceux qui n'auraient pas encore lu ce livre sublime, il faut savoir que la "dame en rose" conseille à Oscar d'écrire chaque jour une lettre à Dieu pour lui raconter sa journée, en faisant comme si chaque jour représentait 10 ans de sa vie. A chaque fin de ses lettres, Oscar a le droit de demander une chose à Dieu, mais pas un truc futile, un truc important. Oscar passe ainsi, en une dizaine de jours, de son âge de 10 ans à celui de quitter ce monde. Encore une fois c'est poignant...)

Cher Dieu,

Aujourd'hui, j'ai entre quarante et cinquante ans. Ouah ce que ça passe vite ! Mais bon, je t'écris avant midi parce qu'il m'arrive un drôle de truc et que j'aimerais t'en parler.

Toi tu le sais bien, parce que tu sais tout : j'ai jamais été très clair avec moi-même côté "garçons". Ou plutôt si j'ai toujours été très clair. J'ai jamais compris pourquoi on pourrait pas être amoureux d'un copain autant que d'une copine. Oui mais bon, il paraît que ça se fait pas. Enfin c'est ce qui se disait quand j'étais petit. Alors pour pas faire de peine à tout le monde autour de moi, j'ai fait comme si j'avais oublié tout ça.

Et puis voilà. J'ai rencontré A. l'autre jour sur Internet. Tu sais Internet, c'est ce truc ou on peut discuter en se faisant passer pour un autre, en choisissant de changer de vie pour 5 minutes. Et bah avec A., ça a pas été pareil. Après avoir joué un peu avec lui, j'ai vraiment eu envie de le rencontrer en vrai. De pas me faire passer pour un autre, de lui dire vraiment mon nom. C'était la première fois que ça me faisait ça.

Tu peux pas savoir comme j'ai flippé quand on s'est vu la première fois. On a parlé de plein de trucs. C'est marrant, enfin non mais tu vois ce que je veux dire, mais il a plus son papa, comme moi. Je l'ai trouvé super beau. Mais bien sur, tu me connais, j'ai surtout pas osé lui dire. Après il m'a envoyé un message avec son téléphone pour demander si je l'avais trouvé moche et con, et ça m'a fait super plaisir. La nuit d'après j'ai pas réussit à dormir.

On s'est revu encore et on a encore discuté. Des fois je sais pas trop quoi lui dire et je me demande ce qu'il me trouve lui, mais c'est cool quand même. Ah tiens, je viens de m'apercevoir que je t'avais pas dit un truc. Il a 19 ans. Ca change quelque chose ?

La dernière fois que je l'ai eu au téléphone, je me suis fait un peu peur. Il m'a dit qu'il passait une nuit sur deux en dehors de chez lui. Il a bien le droit ! Il vit sa vie comme j'ai la mienne. Oui mais bon, j'y peux rien, ça m'a envoyé une petite décharge d'adrénaline au cœur. Là je me suis dit attention, qu'est-ce qui t'arrive ?

Enfin, voilà, c'est ce que je voulais te dire ce matin. Bisou.

PS : à A. aussi je voudrais bien lui faire un bisou, mais j'ose jamais. Je suis con hein ?
PS2 : J'ai pas vraiment de truc à te demander ce matin. Juste une chose si tu peux : que j'aie plein de "ding dong" quand j'allume mon PC. Ca veut dire qu'A. m'a écrit un mail et quand j'entend ça, mon cœur il bat super fort d'un coup ! ;-)

La réponse d'Arno, magnifique...

Le lendemain matin, en allumant mon pc, j'entends un "ding dong", signe que j'ai un message... Je vois aussitôt grâce à la petite fenêtre qui s'élève depuis le bas de mon écran qu'Arno m'a répondu.

chere mamie rose,

C'est a toi que j' écris parce que je crois plus en toi qu'a Dieu.
Je me suis toujours demandé si je croyais en Dieu. Souvent quand on me pose la question je repond non. Et pourtant j'ai des tonnes de raisons d'y croire. Il a déjà
fait beaucoup pour moi, Dieu. Mais j'y crois pas, sans doute parce que je suis trop terre à terre pour ça, et peut-être aussi parce que ça me fait un peu peur qu'il y ait une personne en qui je puisse vraiment avoir confiance. Ou alors, mais cette solution je l'aime moins, j'ai peut être un peu de mal a accepter qu'il y ait
quelqu'un qui puisse m'aider et me comprendre. Mon orgueuil et ma fierté en prennent un coup.
Et puis Dieu il est un peu là quand ca m'arrange, parfois je suis bien content de pouvoir prier et me raccrocher a lui, mais je le dis pas. Je me contente juste d'y croire pour les autres mais pas pour moi. C'est juste que personne ne peut vivre sans Dieu, et moi avec parce que je suis comme tout le monde (et c'est ça qui
me tue). Alors après on appelle ça comme on veut Dieu, Allah ou Perlinpinpin c'est du pareil au même.

Enfin tout ca pour dire que je m'adresse a toi Mamie Rose.

En plus je te connais tu sais. Si si,mais moi je t'appelle plus ordinairement Manou tu est la maman de ma maman. En ce moment je me sens un peu torturé, atteint par la
maladie mortelle de Kierkegaard, et je ne sais pas vraiment pourquoi.
Mais la maladie n'est pas une fatalité, juste une épreuve comme disait mon papa. Tiens, d'ailleurs aujourd'hui, dans quelques heures, ca fera huit ans jour pour jour qu'il est mort.
De toutes façons je m'y connais en épreuves,je crois même que je ne pourrais plus vivre sans, aujourd'hui.

Il faudra que tu m'apprennes le catch Mamie Rose, en plus j'ai drolement envie de me battre en ce moment. Je crois que ça soulagerait ma véhémence un peu trop exacerbée.
Mais mon ennemi est terrible. En dix huit rounds ininterrompus, beaucoup de fatique, et le seizieme ou il a failli me mettre K.O, j'ai repris le dessus mais il me court
toujours aprés. J'en ai marre de faire des tours de ring, je languis de l'applatir et d'aller visiter le monde un peu. Mon ennemi il est terrible, c'est moi.

Enfin hier je me suis rendu compte que j'aimais beaucoup ma Maman. Je me suis rendu compte aussi que j'avais bien fait de persévérer avec ce garcon que j'ai rencontré. Je dis garcon parce que malgré ses quarante trois ans,pour moi,c'est un garçon.Il est très gentil avec moi. En fait cette lettre que je t'ecris elle est pour lui, c'est lui qui a commencé a m'ecrire de cette manière là, parce que ca doit être plus facile pour lui de me dire des choses par personne interposée. Je t'avoue que ca me fait sourire mais surtout que ca m'arrange bien.
Puis ca fait référence a un très beau livre. Tu en est la vedette d'ailleurs.
Le probleme avec ce systeme, du moins pour moi, c'est que justement je me perd, qu'il y a des moments ou je confond un peu, ou je ne sais plus vraiment si je te parle a toi ou a lui.
J'ai deja connu ca avec V. et N., mais ça c'est une autre histoire.

En tout cas sa lettre m'a fait vachement plaisir. Je l'aime bien ce type la.
Bon c'est une dure journée aujourd'hui mais il y a eu un moment ou j'ai bien rigolé quand même, alors c'est bien. Je crois que j'ai de la fievre,je suis brûlant.

Arno

P.S: je crois que je n'ai pas de voeu, parce que je n'aime pas trop demander des trucs aux gens.
En fait si, j'en ai plein, mais même si t'es ma Mamie Rose je peux pas te les dire, en tout cas pas comme ça. Je te les murmurerai un jour ou le creux de ton oreille sera là pour les endormir.


Elle est pas belle cette lettre là ?
Je crois que c'est ce qu'on m'a écrit de plus beau.
Ce jour là, on était tous les deux très haut sur les nuages...

Les jours qui suivirent...

Par quel temps continuer cette histoire ?

Au présent ? cela fait plus vivant, est peut-être plus agréable à lire au fil des articles.

Au passé simple ? mais on comprend qu'une fin arrive, et que l'auteur en connaît déjà l'issue.

ll faudrait inventer un temps : le passé compliqué. Il traduirait la volonté de votre serviteur de traduire une complexité de sentiments où se mèlent le souvenir du bonheur vécu dans ce passé, la nostalgie qui s'y rattache, et la douleur immanquablement générée par le fait que l'issue est connue, même si elle était déjà prévisible voire certaine dès la naissance de cette histoire.

Les jours qui suivirent, donc...

Nous nous retrouvons presque chaque soir sur msn quand il nous est impossible de nous voir vraiment, ce qui est le plus souvent le cas...

Nous parlons de tout, nous apprenons à nous connaître. Arno me décrit sa vie, comment il occupe son temps, me raconte ses expériences passées, tout ce qu'on peut raconter entre copains, mais avec souvent un ton un peu plus grave.

Lorsqu'Arno n'a pas le moral, voire quand il est vraiment désepéré comme on peut l'être un soir tard seul chez soi, j'enrage de ne pas savoir ni pouvoir le réconforter, le soutenir, l'aider. L'aimer. Je parle au jeune homme mais souvent le petit garçon n'est pas loin. Il pleure son passé, ses erreurs, ses errements. Mais il est fier. Et beau dans sa douleur.

Il me pousse dans mes retranchements, me pose le plus naturellement du monde les questions que je n'ose pas formuler, exige des réponses. Il me déstabilise. C'est lui l'adulte et moi le petit con.

Un vendredi soir, je dois le laisser avec lui-même alors que je le sens au bord du désespoir. Il m'envoi balader assez brutalement. Un peu plus tard, je reçois un sms où il s'excuse et me dit qu'il ne va pas bien. Or, il m'a déjà dit, entre les lignes de sa sublime lettre à "Mamie Rose" qu'il a déjà pensé à en finir lorsqu'il avait 16 ans. Tout le week-end, je suis fou d'inquiétude.

Je lui écris un mail, sachant qu'il ne l'aura pas avant le lundi...

Salut Arno !
Quand j'ai eu ton sms vendredi soir, ça m'a fait un peu de peine de te savoir mal. Ca doit un peu t'étonner ke je m'en inquiète.
Moi aussi. Mais c'est vrai ke je ne sais pas bien où on va... Je suis tenaillé entre le plaisir que j'ai à te voir et la peur de ce ki se passe. ou plutôt de ce ki s'installe.
Je n'ai pas envie de te faire de mal. Surtout pas. Et ce ke tu m'avais dit la dernière fois m'a vraiment fait flipper.
Tu me sembles pur et fragile comme du cristal, hyper sensible, et ça m'émeut. Je ne veux surtout pas être rangé dans cette catégorie de mecs si prévisibles.
C'est un peu con hein ? Sans doute très présompteux en tout cas. Mais je me fais une autre idée de ce kon peut vivre tous les deux.
Et en te disant ça je me dis qu'au fond ne sais pas trop ce que je peux t'apporter. Te savoir tout seul chez toi ça me rappelle trop de trucs. Et me voir chez moi pensant à toi j'ai vraiment le sentiment d'endosser le rôle du beauf ki ne pense qu'à lui et ki se moque des dommages "collatéraux".

J'ai réussit à t'écrire 10 lignes sans prendre position sur l'ambiguité amant-amant / père-fils (mm si les mots sont forts kom tu dis) !!!. Faut-il prendre position d'ailleurs ?
En tout cas je peux te dire ke t'as des yeux d'enfer et ke j'ai eu plus d'une fois super envie de te prendre dans mes bras.
En ecrivant ça je t'imagine déjà te dire "ouais c'est bon, laisse tomber, il est kom les autres, il pense k'à ça mais c'est juste kil ose pas".

Bordel ke je suis compliqué !

Bisous (si si !) ;-) !

Provocation ?

La réponse d'Arno est courte, limite provocante... :

C KOI LIDEE KE TU TE FAIT DE CE KON PEU VIVRE TOU LES DEU?


JE C KE TU ES PA COMME CA


ET LES GESTE AFFECTIF NE ME FON PA PEUR NON PLU


NAI PA PEUR DE ME TROMATISER...

Je suis sur le cul qu'il m'écrive ça... "les gestes affectifs ne me font pas peur non plus" !!

Une relation père fils aux confins de l'inceste ?

Je suis curieux de savoir ce qu'Arno pense de notre relation. De fait, nous ne sommes clairs ni l'un ni l'autre.

Au fond de moi, je sais qu'en Arno je vois le fils que je n'ai pas eu, je replonge des années dans le passé, entre regrets et remords. Mais je vois aussi un garçon que je trouve hyper séduisant, volontiers joueur et allumeur.

Notre relation se construit sur cette double ou triple fondation, alternativement portée par l'une ou l'autre de ces facettes. Mais l'un comme l'autre, nous nous y retrouvons. Arno trouve parfois une épaule, un confident, une aide, un conseil, un soutien... Je ne sais pas si j'aurais été un bon père, mais j'aurais aimé avoir un garçon comme Arno pour fils. A la fois solide et fragile, sensible et fier, beau et intelligent.

Mais à la différence d'une relation père-fils, nous savons l'un comme l'autre très exactement quelles sont les circonstances qui ont fait que nous nous sommes rencontrés. D'une certaine façon, nous sommes attirés l'un par l'autre, l'un vers l'autre. Intellectuellement, mais physiquement aussi. J'ai parfois le sentiment que les choses vont vite, trop peut-être. Trop sans doute si j'ai envie d'installer cette relation dans le temps, mais cette relation n'est clairement pas vivable sur le long terme. Parce que j'ai ma vie, parce que j'aime ma femme, et oui c'est ainsi je suis complexe...

J'entendais récemment une émission à la radio qui parlait de l'infidélité. Un psy évoquait un sujet difficile. Qu'il s'agisse d'une relation extra-conjugale homo, bi ou hétéro, il insistait sur le fait qu'on ne parle jamais de la souffrance de celui qui trompe son conjoint; selon lui, cette souffrance est aussi importante - voire plus grande encore - que celle de celui qui est trompé lorsque ce dernier l'apprend.

Bon, tout ça nous éloigne un peu de mon histoire avec Arno mais contribue quand même à cerner le contexte...

Echanges de mails

Un jour, nous avons de grosses discussions par mail interposés. Msn ne fonctionne pas, nous discutons par mails, avec souvent 4 ou 5 minutes entre chaque réplique...

Extraits...

Arno se montre beaucoup plus direct que je ne le suis:

Moi : Tu me disais l'autre jour: tu me retournes le cerveau !!
Lui : tas des sentiments pour moi ou pas ?
Moi : LA question !! bah ouais...
Lui : quel genre ?
Moi : tes dur avec moi...
ça me fait comme si je tombais amoureux. tu vois ? une petite acidité au creux de l'estomac quand je pense à toi, une perte de moyens quand je te vois, des regrets quand je te quitte, le sentiment d'être nul a chier quand je repense a ce quon s'est dit, le fait de penser "mais de toutes façons il est evident que lui il eprouve rien pour moi"...
C ce genre la koi...
Lui : DACCORD LOL MOI AUSSI JE TAIME BIEN
Moi : ça veut dire koi "moi aussi je tM bien" ?
Lui : BON SI TU PREFERE MOI JE TAIME BIEN ON ENLEVE LE AUSSI CA VEU JUSTE DIRE KE JE TAIME BIEN C TOU

Je reviens sur sa lettre à "Mamie Rose", que je finis par connaître presque par coeur :

Moi : tu dis que tu ne sais pas trop si tu t'adresses à elle ou à moi, c'est le cas aussi quand tu écris "Je te les murmurerai un jour ou le creux de ton oreille sera la pour
les endormir" ?
Lui : oui pourkoi
Moi : ca veut dire quoi ?
Lui : ke je veu pa dire ça dans un mail mais dans le creu de l'oreille pendant "k'elle" dort
Moi : et là tu lui parlais à elle ou à moi ?
Lui : g pa a repondre a 7 kestion
Moi : :-) ça me laisse songeur... si je comprend ce que j'aimerais vouloir comprendre, ça veut dire que pour ça il faudrait qu'un jour je m'endorme avec toi. On en est pas encore là...
Lui : PKOI ON EN EST PA ENCORE LA

Nous parlons d'alcool, de drogue :

Moi : ça fait quoi alors comme réaction ? Une des rares fois où j'ai fumé, je n'ai rien ressentit de particulier
Lui : bah ça dépend des gens et du produit
Moi : l'alcool pour moi, au début ça me rend un peu triste et après ça me désinhibe mais pas tout de suite
Lui : FAUT KE JE TE FASSE BOIRE ALORS LOL
Moi : chiche !
Lui : BEN ME DI PA CA COMME CA SURTOUT A MOI
JE SUIS BOURRER TOUT LES WE ET JAI FAIT DIX MILLE FOI PIRE
QUE CA TU SAIS ALORS BIEEN SUR CHICHE...
(ET MOI JE RIGOLE PA MOI)
Moi : je n'aime être bourré. un peu partit ok, je veux dire la tete qui tourne doucement, mais clairement conscient de ce ki arrive qd mm. juste cotoneux koi
Lui : ON EST DACCORD
ALORS KAN LOL
Moi : lundi soir ?
Lui : Où ? lol
Moi : on peut dîner ensemble ?
Lui : OUI MAIS.....T TOUT SEUL TOUTE LA NUIT?
Moi : ouais
Lui : COOOL !!!
Lui : JKROI KE JSUI EXITER
Moi : tu me troubles
Lui : CEST A dIRE ? LOL
Lui : je dois aller à un cours Salut !!

Où il est question d'alpinisme

Un soir, j'écris à nouveau un long mail à Arno.

Sa douleur de vivre, même si je n'ai pas vécu tout ce qu'il a vécu malgré son âge, je la comprend, je la reconnais. Je me souviens. Ce qui est triste, c'est que même 20 à 30 ans après, il m'arrive encore de la ressentir. Mais je ne lui dis pas. C'est trop désespérant de se dire que "20 ans d'expérience ne font pas toujours la différence", pour paraphraser la pub Nutella...

Voici en gros ce que je lui écrit, un soir où je l'ai sentit mal dans sa peau.

Mon cher Arno

Ca m'a fait vraiment super plaisir de recevoir ton premier mail hier et ensuite de chatter avec toi. J'espère que tu vas bientôt faire la paix avec celui qui te "cours après sur le ring", comme tu le disais dans ta lettre à Mamie Rose. Il est sympa en fait, faut juste apprendre à le connaître, lui donner une chance. Il n'est peut-être pas aussi parfait que tu l'aurais souhaité mais plus ça va aller, mieux tu connaîtras ses trucs, ses ruses pour te faire du mal. Alors tu le comprendras et tu sauras pourquoi il te veut un peu de mal. Moi je ne sais pas encore pourquoi il t'en veut mais toi tu le sais sûrement.

En fait il ne te veut pas du mal, il veut juste faire la paix lui aussi. Mais il a du mal à te le dire. Parce qu'il est fier, comme toi. C'est normal je crois. Si on se sent unique, c'est parce qu'on est unique. Mais ça veut pas dire qu'on est le premier ou le seul à éprouver des trucs, des sentiments, des incertitudes. L'accepter, ce n'est pas renoncer à être ou à exister. Enfin je suis pas forcément le mieux placé pour te dire ça.

C'est aussi normal d'aller taper dans ses limites, pour voir où elles sont, et pleurer de rage parce qu'on comprend qu'on en a lorsqu'on les atteint. Ca m'est arrivé plusieurs fois de toucher à ces limites. En rêve. Je me souviens une fois j'avais écrit un texte que j'avais envoyé à un magazine de montagne (je ne pensais qu'à ça quand j'avais 15 ans). C'était une sorte de conte, d'allégorie : l'histoire d'un mec qui réalise une très belle voie, très pure. Il parvient à grimper un couloir très raide, seul sur ses crampons, en ne laissant comme traces que quelques griffures sur la glace. Le dessin de sa voie, c'est juste une petite ligne verticale à peine perceptible. Quand il arrive à la corniche terminale, juste avant le sommet, il rencontre les premiers rayons de soleil. Et là il se dit que jamais il ne pourra faire mieux, plus direct, plus parfait, plus pur, tant cette ligne est évidente. Il s'arrête, bien posé en équilibre sur les pointes avant de ses crampons et sur ses deux piolets et il regarde entre ses jambes. Quelques glaçons continuent à filer vers le bas, vers le trou bleu de la vallée dont il sort. Il a le choix : soit il rejoint ce trou bleu nuit parce qu'il a le sentiment qu'il a atteint une sorte de plénitude, que jamais il ne fera mieux, soit il continue, il troue la corniche et il rejoint le vrai monde, une fois de plus. Dans mon texte, tu l'auras deviné, il préfère la première solution. Je sais maintenant que j'avais tord, il y a toujours d'autres sommets à rejoindre, d'autres rêves à réaliser. Ce qui important c'est de ne pas oublier ses rêves, et d'en imaginer toujours de nouveaux.

Je ne sais plus pourquoi je te raconte ça, mais si à un moment j'ai pensé que ça avait un lien, c'est que ça doit en avoir un.

Je t'embrasse

Premier coup de semonce...

A trop s'écrire, on finit par ne plus savoir se parler.
Moi : T'es là Arno ? je voudrais vraiment de lire ou te parler
Lui : ben appelles moi si tu a des chose a me dire

Je l'appelle, et là je réalise que je ne sais pas trop quoi lui dire. Le trou, je me sens une vieille merde. Rien que des banalités, je lui demande ce que je peux faire pour l'aider, pour le soutenir. Il me répond que je ne peux rien faire, que j'ai ma vie et qu'il sait très bien que de toutes façons je ne ferai rien. Je tente de protester, mais je ne dois pas être assez convainquant. Il me raccroche violemment au nez et ne répond plus à mes appels.

Le lendemain matin, nous échangeons quelques mails. Le ton est un peu froid.
Lui : dsl pour ier mé c vré tu mappel alors ke tu na rien a me dire et ca aid pa koi...
Moi : ok tu as raison, excuses moi, je suis nul au téléphone.
Lui : ben ouai mais bon... nempeche ke ce genre de truc ca me fai vremen rire jaune et me sentir bien loin
Moi : :-(
Lui : ouai.... bon allez salut je vais en cours

Je n'aurai plus de nouvelle d'Arno pendant 4 jours... qui me semblent une éternité.

Des tonnes de bouteilles à la mer

Face au silence d'Arno je suis désemparé, je réflechis sur notre relation, mon état moral passe du désespoir le plus noir à la lueur d'une bougie au plus profond d'un tunnel.

Messageries téléphoniques, textos, mails... c'est fou ce que la société moderne offre comme possibilités de communication. Mais lorsque rien ne répond aux appels, le sentiment d'abandon n'en est que plus vif.

J'envoi donc un dernier mail à Arno tout en espérant que ce ne soit pas le dernier contact que j'aurai avec lui. Mais ma décision est prise. Si sa volonté est d'en finir, je la respecterai...
S'il te plait Arno...

stp réponds moi, que je sache au moins si tu as eu mes messages.
Dis moi si tu ne veux plus entendre parler de moi. Je serais vraiment super déçu mais je peux comprendre :-(
Ou si ya pas de problème, que je m'emmêle la tête, et que tu n'as simplement pas eu le temps de me répondre :-) .... voire que tu es ok pour qu'on se voit jeudi soir ? :-D

Réponds moi ici, ou par sms. Ca serait cool. Même si ton message est super court. Mais clair quand même ;-) : me dis pas simplement "oui" ou "non". Je saurais pas si c'est "oui / non je veux plus entendre parler de toi" ou "oui / non j'ai pas eu le temps de te répondre"

Bisou

Et l'espoir renaît

4 jours plus tard, ma boite mail "sonne" à nouveau... Ding dong, vous avez un nouveau message d'Arno. Mon coeur s'emballe aussitôt, le temps de saisir mes codes de connexions toutes les hypothèses défilent dans ma tête.

Enfin je le lis :

oui je suis la ca faisais juste longtemps ke javé pa
consulté ma boite. Je suis assez debordé en ce moment
je veut bien te voir ia pa de souci du tou je sui pa faché
juste ke g plu de forfé et que je v pa tre si ce nest pas
bien du tou en ce moment donc je sui un peu a louest

a tre biento

bisous

Ce jour là, je prends mon téléphone. On trouve les mots, chacun de notre côté. C'est à nouveau une parfaite entente entre nous. Je suis super heureux d'avoir de ses nouvelles, et préoccupé parce qu'il me dit qu'il ne va pas bien.

Nous convenons de nous voir quelques jours après. J'ai envie de m'occuper de lui, de l'inviter à dîner, de le prendre dans mes bras. Juste dans mes bras. Fraternellement. Paternellement ?

En un éclair, j'ai oublié les affres dans lesquels il m'avait plongé. Je lui pardonne tout. D'avance. Et il le sait.

Beaujolais nouveau

Nous convenons de nous voir le jeudi suivant. C'est le jour du Beaujolais nouveau. Fête obligatoire ? On est censé lui trouver un goût de quoi cette année ? Fruit rouge, cassis, banane... ?

Pas loin de la Bastille, je retrouve Arno dans un bar, tout près de chez lui. Beaucoup de monde, difficile de s'entendre. On échange des paroles mais surtout des regards. L'impression d'être seuls au monde malgré cette ambiance. Il fait chaud, il retire son pull, je le trouve sublime en tshirt. La peau de ses avant bras est super douce. L'alcool me berce un peu. Je flotte hors du temps.

Quand il est malgré tout l'heure de rentrer, je le raccompagne au pied de son immeuble.

Au moment de vraiment se quitter, je le prends dans mes bras. Un dernier petit bisou et à très très bientôt.

En regagnant ma voiture, je me sens super heureux. Si on se fie au sourire qui ne me quitte plus, cette année le Beaujolais a le goût de la banane... et aucune acidité.

Où Arno finit par venir dîner à la maison.

Quelques jours après, A. finit par venir dîner à la maison.

D'entrée, il me prévient : il doit partir vers 10h00 pour aller chercher une amie à la gare. Elle doit venir chez lui pour quelques jours. La soirée sera donc un peu courte, mais de toute façons c'était prévu comme ça, ce n'est pas grave. Son regard est droit, profond.

Il est curieux de voir où je vis, fouille dans les CD, regarde la tranche de mes livres... Je suis entre la cuisine et le salon. Je lui ai préparé un petit repas, avec des trucs qu'il aime.
Nous parlons à nouveau beaucoup, mais nous sommes comme intimidés par le fait de n'être que tous les deux, pour la première fois en fait.

Jusqu'à présent, nous nous étions toujours retrouvés dans des lieux publics, entourés par d'autres.

Le temps passe, et à un moment donné il réalise qu'il est déjà 10h45... Je n'avais pas vu passer le temps non plus. Il est en retard. Il s'excuse de devoir partir. Je suis un peu triste mais c'est comme ça. Pas grave.

Au moment de partir, et de s'embrasser, je sens sa bouche tout près de la mienne. Le temps que je réalise qu'il a peut-être voulu - était-ce seulement une impression ? - qu'on s'embrasse vraiment, il est déjà deux étages plus bas. Je suis là comme un con sur le seuil de la porte de mon appartement à me dire "mais attend, il a voulu m'embrasser là... je rêve ou pas ??"

Encore une minute de perdue et il n'est déjà plus dans la rue. Je l'appelle, lui laisse un message pour le remercier du temps qu'il m'a donné. Je le rappelle juste après. Le téléphone ne répond toujours pas. Je tente un sms, sans plus de succès...

Ce soir là, j'ai du mal à m'endormir. Mais je suis heureux.

Quelques jours sans nouvelles de lui.

Après ce dîner, je reste sans nouvelles d'Arno pendant quelques jours. Mais c'est normal, il m'a prévenu. Il n'est pas seul chez lui, il doit s'occuper de son amie, et ne traîne pas à l'école d'où il tchate avec moi d'odinaire.

Mais ces jours qui passent sans nouvelles l'un de l'autre ne pèsent pas. Il est présent dans ma pensée. Je lui envoie juste un mail de temps en temps pour lui dire que je pense à lui, qu'il me manque.

Faut-il tout dire ?

Quelques jours plus tard, nous nous retrouvons à tchater, après avoir échangé quelques mails.

Nous avons l'un comme l'autre passé un bon week-end.

Moi : Tu as passé un bon weekend ?
Arno : Mon meilleur depuis 3 mois !!
Moi : c super. De mon côté aussi, je faisais une expo et j'ai vendu des dessins, et un client est passé à la maison et il a pris une toile... Je suis super content...
Arno : tu m'étonnes ! c bien pour toi je suis content.
Moi : oui ça m'a remis en confiance
Arno : tu le pensais vraiment sincèrement la dernière fois quand tu ma dit ke tu etais amoureux de moi ?
Moi : g dit ça moi ? :-) En tout cas ça y ressemble ouais... Ca te fait peur ? Ca t'embette ?
Arno : justement je voulais voir si tu ten repellais
et fais attention c pas des choses kon dit kom ça en l'air...
Moi : je dis pas ça en l'air. mais c pas facile d'expliquer. Tu me pousses dans me retranchements !
Arno : c à dire je te pousse ds tes retranchements
Moi : bah ca veut dire ce que je t'avais déjà dit. tu veux que je le dise et en même temps tu me dis kil faut pas que je le dise comme ça en l'air. Alors oui c vrai g le sentiment de tomber amoureux de toi. pour être concret, c que je pense à toi à chaque instant, que je me demande en permanence ce que tu es en train de faire, ce à koi tu penses, à qui tu penses, qui tu vois, ce que tu manges, où tu dors, comment, à quoi tu rêves.
Arno : menteur
Moi : non je te ment pas. et pour te dire la vérité je préfererais y penser moins, mais c kom ça...
Arno : je crois sincerment ke tu noseras jamais avec moi et c ça ki te plait. Tu avais mm esquivé mon bisou kan g mangé chez toi
Moi : j'avais pas eskivé ton bisou la dernière fois. je m'y attendais tellement karément pas que quand j'ai compris que si t'etais passe si pres de ma bouche cT ptet pas par hasard, tu courais deja dans l'escalier et j'étais sans voix. C pour ca ke je t'ai envoye au moins 3 messages... j'etais fou !! ...Et si je sonne chez toi ce soir vers 23h15 ou 30 tu fais koi ?
Arno : fodrai deja ke tarrive a rentrer ds mon immeuble ! lol ya des codes et tu les as pas.
Arno : fo ke je kitte lordi de l'ecole, la salle ferme. je veu rentrer. bisou a demain salu

Mon pc devient bien silencieux tout d'un coup... Je ne sais que penser de cette conversation. Arno a le talent de souffler le chaud et le froid sur notre relation. Il me déstabilise complètement.
Tantôt sévère, tantôt câlin, volontiers lunatique, son caractère très entier me charme en même temps qu'il m'effraie. Je lui pardonne tout. Mais l'expression "pardonner" est nulle. Je n'ai rien à lui "pardonner". Je l'aime tout simplement tel qu'il est.

Quelle soirée !

Le lendemain en fin d'après midi, mon pc se réveille.

Ding dong, un message d'Arno.
Arno : si t là on tchate ?
Moi : oui je suis là
Arno : tu veux ke lon se voit ce soir ? je peux finalement. g un repas de noël mais plus tard. je suis chez moi dans 20mn. viens.
Moi : oki j'arrive a tout à leure biz

C'est la première fois qu'Arno me propose de passer chez lui. Nous ne nous sommes vus que dans des endroits publics ou chez moi, mais cette fois-ci, ce sera chez lui. Je suis aux anges. En ce soir de décembre, les rues sont bondées. Je n'avance pas, même en Smart !
J'enrage comme jamais, coinçé dans la voiture. A en pleurer. L'heure tourne, pas les roues... J'aurais dû y aller en métro. J'hésite même à lâcher la voiture n'importe où pour rejoindre Arno au plus vite. Je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps ensemble, et je le gâche dans les embouteillages... Son téléphone ne répond pas. Il doit m'attendre, s'étonner de mon silence.

Quand enfin j'arrive chez lui, plus d'une heure après, je tente un nouvel appel. Toujours pas de réponse. J'attend 2 minutes devant chez lui, impuissant, et il apparaît au bout de la rue. Il s'excuse de son retard. Il a été retenu... lol De fait nous arrivons donc ensemble mais j'ai du mal à me remettre de ce stress.

Je suis Arno dans l'escalier. Il me demande de rester dehors le temps de ranger un minimum sa chambre. Quand il me laisse rentrer, je découvre son univers. Plus qu'une chambre, c'est un mini studio avec mezzanine. Il me dit en riant que lui il serait rentré quand même, sans attendre que je lui en donne l'autorisation... Suis-je trop bien élevé ? ;-)

Nous discutons de tout et de rien, il me propose un café avant de s'apercevoir qu'il n'en a plus, ce sera donc un thé. L'eau chauffe. Arno me demande si ça me gêne qu'il se lave les cheveux en attendant. Oh que non Arno ça ne me gène pas, bien sur !!! Torse nu, Arno se dirige vers sa petite salle de bains, hésite à prendre une douche, et finalement préfère se laver les cheveux au dessus du lavabo. Je lui caresse le dos, timidement. Il ne réagit pas, me laisse simplement faire. Je ne perçois pas de signe de sa part qui m'invite à aller plus loin non plus. Il me plait vraiment, mais j'ai trop de respect pour lui pour tenter d'aller plus loin. Pour parler cru, je ne "bande" pas. Je suis simplement heureux de le voir devant moi.

L'heure tourne, il me fait chosir ce qu'il mettra pour cette soirée qui l'attend. Tout lui va, j'adore son look un peu destroy, son petit percing au nombril, son jeans troué juste là où il faut.

Quand vient l'heure de se séparer, je lui propose de l'accompagner là où il doit aller. Au moins n'aurai-je pas pris la voiture pour rien ! Le morceau qui est engagé dans le lecteur CD lui évoque d'excellents souvenirs de l'été précédent, qu'il me raconte. Ma main s'attarde de temps en temps sur son genou. Là encore, il ne réagit pas.

Arrivés a destination, nous nous regardons au plus profond des yeux. Un petit blanc dans notre conversation, et nos bouches se rapprochent. Je sens son souffle sur mes lèvres. Nous fondons l'un dans l'autre. Arno a le goût du bonheur, une sensualité et une force incroyables. Je caresse sa nuque, il prend la mienne. Ses cheveux encore un peu humides glissent entre mes doigts. Je voudrais que cet instant ne cesse jamais.

Mais il est déjà temps de le quitter. Arno part en courant dans la rue. Je le regarde, il se retourne vers moi, me tend le bras.

Wao. Je suis complètement stoned. Ailleurs. Et je repars vers la maison, la musique que nous écoutions tout à l'heure tourne en boucle, à fond, dans la voiture. Ce soir là encore, je ne dormirai que très peu...

Envie de suspendre l'histoire là...

C'est certain, j'aimerais rester longtemps sur le dernier article...

Qu'est ce qui te ferait plaisir pour Noël ?

C'est lui qui a posé la question le premier...

Qu'est ce qui te ferait plaisir pour Noël. C'est vrai, les "fêtes" approchent à grands pas. Même si la perspective de les passer loin d'Arno les rendent un peu tristes. Les vacances scolaires arriveront encore plus tôt que Noël, et il repart en province retrouver sa famille.

Je ne sais jamais quoi demander pour Noël. Encore moins à Arno. Il m'a déjà tant donné de toutes façons... En revanche, j'ai quelques idées pour lui. Cela fait un moment qu'il tourne autour de différents trucs et m'en parle de temps en temps. J'ai envie d'être généreux, mais de ne pas lui donner l'impression de "l'acheter". c'est compliqué l'argent... Non que j'en aie à foison, mais quand même plus que lui c'est évident. Même lorsque nous nous voyons, il est un peu gêné lorsque je paye sa part. Je lui ai déjà dit plusieurs fois qu'il ne devait absolument pas se sentir redevable de quoi que ce soit. Il ne me doit rien. Absolument rien.

Mais la prochaine fois que nous nous reverrons, ce sera justement la veille de son départ en vacances. Nous nous donnons rendez-vous au Jardin du Luxembourg un jour à l'heure du déjeuner.

Je suis un peu en avance, je l'attend. Enfin il arrive, je le vois arriver de loin, je le regarde. Il est beau. Je me sens bien...

Il fait beau mais froid, un peu de brume flotte au dessus du bassin. Lorsqu'Arno parle, de la buée sort de sa bouche. Nos yeux brillent, nous sommes, je le crois, heureux d'être ensemble. Après avoir avalé un sandwich, nous nous échangeons de façon un peu gauche nos cadeaux. Nous sommes presque gênés de cet échange qui - peut-être - semble celler un peu plus fort notre attachement réciproque.

Je lui ai trouvé un sweat qui lui fait assez plaisir. Il semble qu'il soit trop grand. Je suis un peu déçu...

Arno me fait un cadeau beaucoup plus personnel. Je suis vraiment super touché. Il m'a apporté un livre qui a compté pour lui. Un des premiers "grands" livres qu'il ait lu et qui l'a profondément marqué, il avait 15 ans. L'insoutenable légèreté de l'être, de Kundera. C'est déjà un super geste en soi de me faire ce cadeau. Mais ce qui me touche le plus, c'est qu'il me donne SON exemplaire, celui qu'il a lu et relu... un exemplaire tout tordu, tout frippé, écorné, un exemplaire qui a vécu avec lui.


Et en plus, Arno m'a écrit une dédicace...

Je marche.

Clair de soleil et froid tranchant.

Ma surdité masque tes pas.

J'ai entendu dire que ce jour là, j'avais un peu peur...
C'était il y a longtemps je crois.

Depuis tu as appris ma véhémence, et j'ai écouté ton mutisme.

Pour mon plus grand bonheur je n'ai de cesse d'apprendre, de découvrir, et tu m'accompagnes.

Merci

Wao... J'ai l'air bien nul avec mon pauv' sweat shirt...

Il est déjà l'heure de se séparer. Nous nous faisons des bisous bien sages - nous sommes en public quand même !

Dans le métro, en regagnant la maison, je me plonge déjà dans la lecture. J'en loupe deux fois la station...

Fin d'après-midi

A peine rentré à l'appart, Arno me rappelle. Son sweat est vraiment trop grand. Il me demande s'il est possible de l'échanger "tu comprends, là c'est plus la taille pour dormir avec que pour le porter. Je suis pas aussi carré que ça ! On peut se voir après mes cours ?"

Bien-sur c'est possible. On se donne rendez-vous près du Forum des Halles, et on procède à l'échange aussitôt. J'aime le voir traîner dans la boutique, regarder ce qu'il y a d'autre. J'aime aussi le regard bienveillant du vendeur qui a l'air de se demander quel type de relation existe entre nous deux...

Arno me demande : tu as un peu de temps ?
- J'ai autant de temps que tu veux.
- On fait un tour des boutiques ? Je voudrais te montrer des trucs.

Et nous voilà partis faire les boutiques ensemble, juste pour voir, pour essayer, pour passer du temps ensemble. Pour retarder le moment où il devra partir. Au hasard de notre balade, je lui offre une paire de Converse, qu'il trouvait super. Il proteste un peu, mais je lui répète que ce n'est rien, qu'il ne s'inquiète pas, que ça me fait plus plaisir qu'à lui. Il me fait un petit bisou pour me remercier.

Nous allons prendre un dernier café avant de repartir chacun de notre côté pour le temps des vacances. Nous sommes un peu graves. Je lui dit où j'en suis déjà dans le livre qu'il m'a donné quelques heures plus tôt.

En regardant Arno, je pense à un passage que je viens justement de lire, en venant...

"Tomas se disait : coucher avec une femme et dormir avec elle, voilà deux passions non seulement différentes mais presque contradictoires. L'amour ne se manifeste pas par le désir de faire l'amour (ce désir s'applique à une innombrable multitude de femmes) mais par le désir du sommeil partagé (ce désir là ne concerne qu'une seule femme)."

Je n'ai pas envie de coucher avec Arno. J'ai juste envie de dormir avec lui.

Au moment de nous séparer, A. me chuchote qu'il avait préparé un truc à me dire mais qu'il n'avait pas réussit à le dire. Qu'en tout cas, il tenait vraiment à moi et qu'il me remerciait d'être moi... Je suis ému. On se fait un dernier bisou et je le regarde s'éloigner en courant pour attraper une rame de métro qui sonne déjà.

Et ma femme dans tout ça ? J'ai aussi envie de dormir avec elle. Je le fais chaque soir. C'est un vrai plaisir de sentir son corps chaud contre le mien, sa tendresse. Elle sent bien qu'en ce moment je ne vais pas très bien, que je dors mal, que je suis déstabilisé. Elle ne me pose pas de questions. Elle travaille quelques jours par semaine en province, ce qui explique que je sois parfois libre le soir. Mais je vis mal cette situation. J'aime ma femme, je ne veux pas la faire souffrir, et j'ai vraiment besoin d'elle. Mais je ne peux m'empêcher de voir Arno. Si, 3 mois avant seulement, on m'avait prédit une pareille situation, je ne l'aurais pas cru...

J'aime Arno d'une façon différente de ma femme. Pas moins, pas plus, différemment. Pourtant, si je ne crois sincèrement pas que cet amour retire quelquechose à l'amour que je porte à ma femme, je sais que la situation est bancale. Je ne sais que penser en ce soir de décembre. Je vais essayer d'écrire tout ça et j'enverrai un mail à Arno, qu'il lira pendant ses vacances.

Et tout d'un coup, la ville paraît vide.

Et voilà, Arno part ce soir chez ses parents. Je sais qu'il n'aura que peu d'occasions de se connecter sur Internet. Le livre qu'il m'a donné a son odeur. Malgré moi, j'entends le narrateur me parler avec sa voix. Je ne peux m'empêcher de faire des parallèles entre l'histoire du livre et notre propre histoire.

J'écris un mail à Arno.

Salut Arno,

Je n'ai pas encore fini de lire L'Insoutenable Légèrete de l'Etre. C'est un très beau livre.
Je ne peux bien-sur pas m'empêcher de penser à toi à travers ces lignes. J'y ai par exemple pensé lorsque Tereza va chez l'ingénieur "juste le temps de découvrir ce que ça fait de s'avancer jusqu'à la frontière même de l'infidélité". Quand l'angoisse monte, qu'elle retombe avec la découverte de petites choses qui font partie de son univers et qui le rendent étonnamment familier. Quand Tereza ressent qu'elle est sur le fil entre l'amour pour ce quasi inconnu et l'étonnement de découvrir cette partie d'elle même qu'elle a rejeté jusque là.

J'aime aussi beaucoup la construction formelle de cette écriture, faite d'allers - retours entre différents points de vue d'une même histoire, de mêmes événements (ce que j'avais aimé dans le film Elephant dont on avait parlé une fois).

J'espère que tu peux lire mes mails.
Je t'embrasse
Vraiment
Je pense à toi
Tu me manques

Chaque matin - que dis-je... chaque heure ! - je vérifie si Arno m'a répondu, m'a laissé un message.

Mais mon PC est désepérement silencieux. Pas de "ding dong" qui voudrait dire "vous avez un message". J'ai un peu froid.

Quelques jours plus tard, je lui renvoie un nouveau message.

Cette nuit, tard.
Juste un petit mot avant d'éteindre la lumière.
Si je n'ai pas dormi ce soir, ce n'est pas à cause de toi, mais grâce à toi. Je viens de finir l'Insoutenable Légèreté de l'Etre.
Merci
je t'embrasse

Et le temps passe.

Silencieux.

Poisseux.

Toujours.

mardi

T là ? On tchate ?

Un soir, mon PC sonne. "Ding dong, vous avez un message".

C'est Arno. Il me propose de tchater, en le retrouvant sur Caramail parce qu'il n'a pas Msn chez ses parents. Je le rejoins aussitôt. Il discute dans un "salon" dont le thème est "gay à Paris".

La conversation est assez courte, il me dit qu'il a bien reçu mes mails, m'en remercie. Mais je le sens un peu loin... Et je me surprend à être un peu jaloux de le retrouver sur ce tchat où il parle avec d'autres. Je suis jaloux et en même temps je comprends que notre situation est impossible.

C'est juste une histoire comme ça, belle certes, mais une histoire impossible. Il faudra bien que j'aprenne à me séparer de lui, ou de l'idée que je me fais de cette histoire entre nous deux.

Quand le ventilateur de mon PC s'éteint, le silence qui s'installe dans l'appartement est tellement profond que j'entends mes oreilles bourdonner.

Je suis triste.

J'ai envie d'écrire.

Flash-back

Après avoir "raccroché" d'avec Arno, le silence envahit l'appartement. Je suis mal à l'aise. J'ai envie de revenir sur mon passé, sur mon histoire. Pour comprendre.

J'écris mon histoire, mais comme pour mieux l'analyser, je l'écris comme si je n'en étais que le spectateur, mon histoire vue du dessus, un peu comme ces expériences de "vie après la vie" que racontent parfois ceux qui ont vécu un coma.

Ce soir là, il fut bien obligé de s'avouer à lui-même qu'il avait passé un cap.
En le retrouvant sur un chat, il ressentit une incompréhensible bouffée de jalousie. De quel droit ?

Zoom arrière

Il était arrivé à Paris pour ses études, à la toute fin des années 70. Comme ça paraît loin quand c'est écrit, comme ça paraissait hier seulement dans sa tête. Giscard était encore Président en France, L'Union Soviétique avait envahit l'Afghanistan.

Une première année de liberté, ne pas avoir à rendre de comptes sinon à lui-même.

La tête dans les nuages, il rêvassait sa vie plus qu'il ne la vivait vraiment. Aucun projet qu'il ne considère comme réaliste, tiraillé entre ses envies profondes et la prison sociale dans laquelle il s'était laissé enfermer. Se laisser porter. Ne pas faire de peine. Ne pas sortir du rang. Ne pas sortir la tête de l'eau.

Avoir 20 ans en 1980... Ses attirances lui faisaient peur.
Quelques années auparavant, il avait pourtant eu un comportement assez libre avec certains de ses cousins, jusqu'à ce que l'un deux lui dise un jour "faut qu'on arrête sinon on va devenir pd". c'était en colonie de vacances, ils avaient 14 ans, ils étaient allés - un peu - plus loin que d'habitude. Cette phrase l'avait glacé.



Encore plus tôt, petit garçon, il n'avait jamais aimé jouer avec ses camarades dans la cour de récré, au gendarme et au voleur par exemple, ou aux cow-boys et aux indiens. Dans ce dernier jeu, il se souvenait très clairement qu'il n'avait qu'un objectif, être le premier "mort", pour qu'on le mette de côté et qu'on le laisse tranquille.

Avoir 20 ans en 1980... Il avait à la fois envie et peur du sexe.
Alors que ses copains s'affichaient pratiquement tous avec une copine, lui restait désespérement seul, s'inventant parfois une histoire pour ne pas se faire charrier. (oui mais bon je peux pas encore vous la présenter). Restaient les fantasmes. Là il était assez fort. Avec à chaque fois un goût amer dans la bouche et un sentiment de solitude extrême.

Ce caractère et ce comportement un peu mystérieux étonnaient et tranchaient par rapport "aux autres". Aussi, quelques filles s'intéressèrent à lui. Il était tellement moins lourd que les autres... Des garçons aussi mais il jouait tellement bien son personnage qu'il ne voulait pas les remarquer. Ces filles prirent donc des initiatives, et il ne dit pas non. Par curiosité et aussi parce qu'il ne voulait pas faire de peine. La plus décidée, peut-être la plus subtile, parvint donc à ses fins. Ce soir là, il alla chez elle comme on va au tribunal se sachant condamné mais soulagé par avance de la sentence. "Au moins ce sera fait...". Dire qu'il n'y prit pas de plaisir est faux. Et de fait, cela le libéra d'une certaine façon. Sans l'empêcher de poursuivre ses auto-fantasmes.

L'une de ses copines de l'époque compta plus que les autres. Ils étaient ensemble à l'école, elle s'était mise à faire un peu d'escalade comme lui, sans doute pour lui faire plaisir. Ses parents avaient un sublime appartement à Paris et une très belle maison en Italie, face à l'Ile d'Elbe où ils passérent une semaine de rêve en 1985. Il aimait vraiment se retrouver avec elle. Mais sans comprendre vraiment pourquoi, il décida de rompre. Comme ça, sur un coup de tête. En fait si, il savait, mais il avait honte de ces raisons. Sa famille était tellement différente, qu'il crût - et sans doute avait-il raison - qu'elle ne s'entendrait jamais avec la sienne. Et alors ? Le père était "homme d'affaires" italien, sans que cela ne fut jamais très clair, sa mère psy, plutôt intello de gauche. Adorables. Par comparaison, sa propre famille lui paraissait triste comme un puit sans eau. Et pourtant il prit cette décision pour ne pas risquer le conflit. Une non-décision d'ailleurs. Lâchement, il décida de ne plus la voir, sans explication. Elle finit par lui dire "de toutes façons je sais que j'aurai plus compté pour toi que tu n'auras compté pour moi". C'était vrai. Il mit des années à s'en remettre.

Quand ses copains se marièrent les uns après les autres, il décida de le faire aussi. Cela "tomba" sur une amie d'enfance de la femme d'un de ses meilleurs copains. Pleins de faux hasards se conjuguèrent à cette occasion. Un cas d'école pour psy... Son alliance ? Ce fut celle de son père mort au combat en Algérie. Même pas refondue. Avec la date de son mariage aux côtés de celle de ses parents, toute serrée, toute petite. Le jour de ses fiançailles ? La date anniversaire de la mort de ce même père qu'il n'avait pas connu, juste 30 ans après. Il voulut un enfant. Vite. Ce furent deux fausses couches. Et le non-dit qui s'installa dans son couple. Plus envie d'elle. Trop envie de passer à autre chose. Quand les choses allèrent trop mal, son épouse voulut qu'ils voient ensemble un psy. Pour comprendre. Pour essayer d'aller mieux, même si c'était séparément. Un jour, elle lui demanda s'il ne préférait pas les hommes. Une autre fois, c'est le psy qui lui suggéra de réfléchir à ça : s'il avait épousé une des meilleures amies de la femme d'un de ses meilleurs copains, c'était peut-être de ce copain dont il voulait se rapprocher... Encore une fois il rejetta en bloc ces hypothèses.

Après son divorce, il retrouva avec plaisir une période de célibat, pleine de fantasmes mais sans passages à l'acte. Une fois il franchit cependant le pas. Un garçon avait su lui proposer un rendez-vous sans rien exiger d'autre de lui qu'il se laisse simplement faire, pour un super massage, juste un moment de détente. Il fut surpris quand ce garçon très doux se mit à le sucer avec beaucoup de délicatesse, lui procurant un plaisir auquel il ne s'attendait pas. Mais il n'eut cependant pas envie d'aller plus loin.

Un peu plus tard, il fit la connaissance d'une femme qui sortait avec un de ses copains. Pour la première fois, il eut vraiment envie d'une fille. Parce qu'elle sortait avec un de ses copains ? Peut-être mais pas seulement. Il attendit que les deux se séparent pour se rapprocher d'elle. Au début, tous les trois adoraient jouer l'ambiguité de la situation, laissant croire à ceux qui les connaissaient mal qu'ils étaient vraiment tous les trois ensemble.

Parallèlement, ses fantasmes continuaient. Internet leur permettaient de prendre un semblant de corps. Un jour, il croisa un garçon sur un chat. Il ne sut pas pourquoi, mais il pressentit qu'il se passait quelque chose. Pour la première fois, il n'eut plus envie de jouer. Ils se rencontrèrent une fois, deux fois, puis d'autres. De façon très chaste, un peu ambigüe quand même. Des incompréhensions, mais une proximité. De la distance mais une envie d'apprendre, de découvrir. Apprendre à savoir dire non, apprendre à pouvoir dire oui...

Deux mois après leur première rencontre, une première sorte de séparation due aux vacances scolaires. Et ce soir là, il le retrouva sur un chat. Un sentiment complexe le saisit. Plaisir de le retrouver mais jalousie de le retrouver .

Mais pas une jalousie envers ceux avec qui il discutait peut-être. Il comprit qu'il était jaloux des 20 ans qui allaient s'ouvrir devant ce garçon qu'il avait appris à connaître. 20 ans à venir pas forcément plus faciles ! Mais différents. Il aurait voulu être lui, recommencer. Autrement. Mais la vie est une ligne droite, pas un cercle.



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Tu sais Arno, tu m'as dit plusieurs fois que tu ne savais pas trop dire non, que tu ne te respectais pas toi-même. Il faut savoir dire non. C'est vrai. Mais il faut aussi savoir dire oui.

Je t'embrasse

Après avoir écrit ce long texte, j'hésite à l'envoyer à Arno Je n'ai pas à l'encombrer avec mes histoires. J'hésite et je finis par cliquer sur "envoyer". Il me comprendra mieux.

Et le temps, à nouveau, paraît long...

Après avoir envoyé mon long mail à Arno, je n'ai plus de nouvelles de lui. Je ne sais même pas s'il a pu le lire, quelle a été sa réaction, s'il l'a aidé à mieux comprendre qui je suis, tout ce qu'il m'apporte.

La fin de l'année arrive. Pendant la nuit du 31 décembre je trouve un moment pour lui envoyer un sms en lui souhaitant tout le bonheur possible pour cette année qui s'ouvre.
Pas de réponse non plus.

Mais ce n'est pas grave, il doit être en famille, il a d'autres sujets de préoccupation...

Pendant ces quelques jours, je lis Oscar Wilde : Le Portrait de Dorian Gray. Quelle qualité d'écriture, quelle sensibilité ! Là encore, je ne peux que m'identifier aux personnages séduits par ce Dorian si séduisant et difficile à vivre.

J'ai hâte de retrouver Arno. Vivement la rentrée scolaire. En attendant, je me sens seul, j'ai du mal à faire la fête.

vendredi

Cette histoire est trop lourde pour nous deux.

Je ne parviens à avoir Arno au téléphone que quelques jours après la rentrée, début janvier. Je pressent un malaise.

Je ne me suis pas trompé. Arno a très mal compris ce que je voulais lui dire. Ou trop bien. Ma lucidité sur les raisons qui me poussent vers lui sont difficiles à accepter de sa part.

En effet, je commençais mon dernier mail en lui disant "je suis jaloux" - il comprend "je t'aime" - et puis je donne l'impression de finir en voulant mettre un terme à notre relation. Il me trouve horrible. Il est très dur avec moi. Il me dit des choses épouvantables mais un peu vraies. Il me reproche d'être transparent à force d'être trop gentil, de ne pas savoir dire dire non, d'être systématiquement d'accord avec ce qu'il dit, tout en n'osant pas prendre d'initiatives. De dire "ça va", par simple réflexe, même quand ça va pas vraiment.

Je crois comprendre qu'il ne veut plus me voir. Il m'arrache un "c'est peut-être mieux qu'on ne se voit plus". Il est encore plus dur avec moi. Il m'explique qu'il en a marre de se faire jeter après usage. Que même si moi je ne l'ai pas eu dans mon lit, ça revient exactement au même. Moi j'ai ma vie, qui va continuer comme si rien ne s'était passé, mais lui... il se retrouve comme un pauv'gars abandonné avec juste ses yeux pour pleurer. Il a envie d'une histoire toute simple, qu'on l'aime pour lui, pas pour ce qu'il représente. Il a envie de rentrer le soir chez lui pour retrouver son amoureux, parler, faire des câlins et s'endormir dans ses bras. Pas plus que ça, mais pas moins que ça. Je lui réponds qu'on savait l'un et l'autre, dès le début, qu'on s'engageait dans un truc un peu compliqué.

Il raccroche sans me dire au revoir.

Je le rappelle, et il est encore plus dur. On finit par ne plus rien se dire, silencieux l'un comme l'autre de chaque côté de ce foutu téléphone, aussi malheureux l'un que l'autre sans doute.
Quelques jours après, il m'envoit juste un petit mail. Sa colère est toujours là : "j'espère que tu vas t'en mordre les doigts".

Je le rappelle pour lui demander qu'on se voit. Au moins une dernière fois. Pour comprendre, parler, s'expliquer. Nous convenons de nous voir un jour à l'heure du déjeuner, à nouveau au Luxembourg.

Je l'attends.
Il bruine, il fait froid...
Je l'attends. Je tente de l'appeler. Il ne répond pas.
Je l'attends. Je l'attends.

Je rentre... Je lui laisse un message. Je lui dit mon regret de ne pas l'avoir vu, lui reproche un peu de ne pas m'avoir prévenu qu'il ne pouvait pas - s'il ne pouvait pas. Je lui dit que le pire, c'est que je ne lui en veux même pas de m'avoir posé un lapin. Que je l'attends encore et qu'il n'a qu'à m'appeler. Me faire un signe...

Reprise de contact

Quelques jours après ce rendez-vous raté, Arno m'appelle. Je me sens agressé par le ton qu'il emploie. Manifestement, il est toujours aussi furieux.

Et quand il me demande si ça va, je ne peux m'empêcher de lui répondre, mécaniquement, que "oui". Alors que non, bien-sûr que ça ne va pas. Et il le sent. Il me secoue, me répète qu'il en a marre que je sois aussi lisse. Il me dit qu'heureusement que lui va plutôt bien depuis Noël, parce que ce serait vraiment dur, que je ne me rends pas compte des dégâts que je peux causer. Il raccroche sans me laisser le temps de répondre.

Je n'ai pas la force de la rappeler.

Je suis au fond.

3 jours plus tard, quelques échanges de mails...

Arno : tu pourrais au moins demander pardon !

Moi : excuses-moi Arno. Excuses-moi de ne pas t'avoir rappelé après que tu m'as raccroché au nez

Arno : Mouaich

Un mois passe...

Un mois passe et un mail tombe sur mon PC...

"je suis en vacances, ça me ferait plaisir de te revoir en tout bien tout honneur. Rappelle-moi, je ne renouvelerai pas ce message. Occasion à saisir. Lol. Bisou"

Aussitôt je réponds par mail, par tel, par sms.
Oui bien sur je veux bien te revoir.
Deux jours sans pouvoir le joindre ni plus de nouvelles.

Le lundi les cours reprennent... je lui envoie encore un mail pour lui dire qu'on s'est loupés... dommage... mais que ça m'a fait plaisir qu'il reprenne contact.

Insomnies

Que me veut Arno ?

Je ne sais plus. M'en veut-il encore ? Et de quoi vraiment d'ailleurs, je ne suis pas certain d'avoir compris.

Cela fait des semaines que je ne l'ai plus vu. Depuis ce dernier jour avant les vacances scolaires de Noël dernier. Cela me parait si loin et si proche en même temps.

Pas une journée sans que je ne pense à lui.
Pas un moment où son souvenir ne m'obsède.
Pas un soir où je m'endorme sans le coeur gros.

15 jours passent encore...

Un soir j'envoie à Arno un tout petit mail : "certains jours tu me manques vraiment terriblement. Bisou"

Le soir même il répond "moi ossi a un point ke timagine mm pas"

Quelques mois plus tard, en juillet...

Début juillet, je reçois un sms qui me dit "ça me ferait vraiment plaisir de te revoir".

Je l'appelle aussitôt. Je parviens à le joindre et j'en suis presque surpris. On se donne rendez-vous près de chez lui, sur le canal Saint Martin. Curieusement, j'ai presque du mal à le reconnaître. Il n'a pas changé pourtant. Mon regard, lui, a dû évoluer... On discute, on a un peu de mal à trouver nos marques, enfin surtout moi je crois. Je remarque qu'il porte les Converse que je lui avais affert à Noël. Je lui en fais la remarque, il sourit.

Il me dit qu'il a un copain, américain. Qu'il aurait envie de partir après l'école aux Etats-Unis. Je ne suis pas jaloux. Juste hyper nostalgique et heureux pour lui en même temps. Un sentiment curieux fait d'abandon et de tendresse. En fait si je suis un peu jaloux mais je m'en veux de l'être. Je l'aime encore.

Il sent sans doute qu'à nouveau j'ai repondu "ça va" lorsqu'il m'a demandé comment j'allais, quand j'aurais dû dire, avec plus d'honnêteté, "non, ça va pas trop, je crois que je t'aime encore".

Et on ne s'est plus revus.

Plus jamais...

Jamais plus...

Peut-être un jour, plus tard, quand les choses auront changé, si j'ai la force, le courage, ou la lucidité de les faire changer... Peut-être un jour, plus tard, reprendrai-je contact avec lui... Je ne sais pas...

En forme d'épilogue...


Il y a quelques semaines, je suis tombé sur les clips de James Blunt.

C'est fou comme ça m'a fait penser à Arno.

Physiquement il lui ressemble plutôt (en fait non Arno est bien plus beau !!), et, surtout, ses textes sont collés à notre histoire...

You're Beautiful... it's time to face the truth,I will never be with you...

Goodbye My Lover...Goodbye my lover, goodbye my friend. You have been the one, you have been the one for me...

lundi

4 ans plus tard...

Nous sommes maintenant en avril 2008. Dans ma vie tout a changé.

Grâce à Arno. Je pense souvent à lui. En me levant le matin, dans la journée, parfois le soir. Mais je ne suis plus amer ou triste. Je suis juste serein.

En février 2007, j'ai (enfin) annoncé à ma femme que je préférais les garçons. Après quelques hésitations, nous avons pris la décision de nous séparer, puis de divorcer. (j'en parle au fil du temps dans mon autre blog : tomdom2.blogspot.com).

Depuis, j'ai rencontré un garçon avec lequel je vis, même si cette vie commune n'est que le fruit de circonstances (heureuses !!) et qu'elle prendra fin, sans doute dans quelques semaines, avant l'été.

Ah oui !! J'ai revu Arno. Nous nous sommes croisé par hasard sur un "chat", puis nous nous sommes donné rendez-vous. Nous avons pris un pot, déjeuné ensemble quelques jours plus tard. Je l'ai retrouvé avec ses qualité et ses défauts, j'ai eu un peu de mal à prendre mes marques, nous nous méfiions l'un de l'autre peut-être...

Lors de mon déménagement, j'avais mis de côté la toile qui lui avait plu lorsqu'il était passé à l'appartement. Je lui ai donné. Il est partit avec, et je n'ai pas remarqué qu'il avait les larmes aux yeux. C'est un ami commun qui me l'a dit quelques jours plus tard.

Bonne route Arno.

Merci pour tout.

vendredi

Nouvelle étape dans ma ptite vie

Ca aurait dû commencer comme ça il y a déjà quelques années (voir tout ce blog...), mais bon, ca y est, j'ai enfin trouvé, non sans quelques difficultés, un appartement.

Il est petit, certes. C'est un studio, mais sympa, avec un balcon au soleil...

Nouveau lieu, nouvelle vie, nouveau départ.

Tout va pour le mieux