vendredi

Cette histoire est trop lourde pour nous deux.

Je ne parviens à avoir Arno au téléphone que quelques jours après la rentrée, début janvier. Je pressent un malaise.

Je ne me suis pas trompé. Arno a très mal compris ce que je voulais lui dire. Ou trop bien. Ma lucidité sur les raisons qui me poussent vers lui sont difficiles à accepter de sa part.

En effet, je commençais mon dernier mail en lui disant "je suis jaloux" - il comprend "je t'aime" - et puis je donne l'impression de finir en voulant mettre un terme à notre relation. Il me trouve horrible. Il est très dur avec moi. Il me dit des choses épouvantables mais un peu vraies. Il me reproche d'être transparent à force d'être trop gentil, de ne pas savoir dire dire non, d'être systématiquement d'accord avec ce qu'il dit, tout en n'osant pas prendre d'initiatives. De dire "ça va", par simple réflexe, même quand ça va pas vraiment.

Je crois comprendre qu'il ne veut plus me voir. Il m'arrache un "c'est peut-être mieux qu'on ne se voit plus". Il est encore plus dur avec moi. Il m'explique qu'il en a marre de se faire jeter après usage. Que même si moi je ne l'ai pas eu dans mon lit, ça revient exactement au même. Moi j'ai ma vie, qui va continuer comme si rien ne s'était passé, mais lui... il se retrouve comme un pauv'gars abandonné avec juste ses yeux pour pleurer. Il a envie d'une histoire toute simple, qu'on l'aime pour lui, pas pour ce qu'il représente. Il a envie de rentrer le soir chez lui pour retrouver son amoureux, parler, faire des câlins et s'endormir dans ses bras. Pas plus que ça, mais pas moins que ça. Je lui réponds qu'on savait l'un et l'autre, dès le début, qu'on s'engageait dans un truc un peu compliqué.

Il raccroche sans me dire au revoir.

Je le rappelle, et il est encore plus dur. On finit par ne plus rien se dire, silencieux l'un comme l'autre de chaque côté de ce foutu téléphone, aussi malheureux l'un que l'autre sans doute.
Quelques jours après, il m'envoit juste un petit mail. Sa colère est toujours là : "j'espère que tu vas t'en mordre les doigts".

Je le rappelle pour lui demander qu'on se voit. Au moins une dernière fois. Pour comprendre, parler, s'expliquer. Nous convenons de nous voir un jour à l'heure du déjeuner, à nouveau au Luxembourg.

Je l'attends.
Il bruine, il fait froid...
Je l'attends. Je tente de l'appeler. Il ne répond pas.
Je l'attends. Je l'attends.

Je rentre... Je lui laisse un message. Je lui dit mon regret de ne pas l'avoir vu, lui reproche un peu de ne pas m'avoir prévenu qu'il ne pouvait pas - s'il ne pouvait pas. Je lui dit que le pire, c'est que je ne lui en veux même pas de m'avoir posé un lapin. Que je l'attends encore et qu'il n'a qu'à m'appeler. Me faire un signe...

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